HISTOIRE
« La bourgeoisie plonge ses racines dans la nuit obscure du moyen âge. Le 30 mai 515, Sigismond, roi des Burgondes, fait une donation en faveur de l’Abbaye d’Agaune de vastes territoires en Bas-Valais, dans lesquels est intégré le territoire qui s’étend du Rosel à Arbignon. Jusqu’au XIIe ou XIIIe siècle, ce territoire paraît avoir été inhabité et un pape Léon en parle comme d’un désert : le « Désertum Alpinonis ». Au début du XIIIe siècle, des familles seigneuriales s’y installent en ministériaux de l’Abbaye. Les d’Arbignon occupent le territoire de Collonges, les Wychardy et plus tard l’hospice Saint-Jacques, le territoire de Dorénaz. La bourgeoisie de Saint-Maurice avait également des possessions et des droits sur ce territoire et y exerçait la justice. Des limites de juridictions, assez bien définies, séparaient ce territoire. L’histoire locale situe ces limites conventionnelles, partant de l’ancienne ferme du châtelain de Preux aux Oufettes à la Croix du Bouet et à proximité des propriétés des Parays et des Paccotaires, dans un dévaloir.
Il paraît vraisemblable que les premiers colons sont arrivés ici avec ces familles, ont formé de petites colonies, ont défriché la terre et ont construit sur les pentes, leurs habitations. Ainsi se sont formés des consortages de paysans reconnus plus tard sous le terme de communiers. Ces associations sont nées des exigences de la nature et de la configuration particulière du sol où l’individu isolé et impuissant est, d’instinct, à la recherche du secours d’autrui.
Le territoire est réparti en parcelles particulières qui demeurent soumises à la Seigneurie foncière. Le paysan n’est autre qu’un vassal qui paye le cens au seigneur et demeure libre sur son fonds ainsi que sur le territoire indivis destiné à l’exploitation commune (forêts, alpages) dans le domaine seigneurial. Peu à peu, le bien et l’investiture passent dans la possession héréditaire du paysan inféodé. Petit à petit de nouveaux colons viennent s’incorporer à la colonie primitive et s’intégrer, moyennant contributions, dans la communauté. Ils y acquièrent les mêmes droits, participent aux corvées communes et sont astreints aux mêmes obligations. Ces apports successifs augmentent les effectifs de la corporation et en font une entité organisée. Un métral la dirige, y fait régner l’ordre et la discipline et la représente auprès du seigneur du lieu. Ces communiers jouissent dans ces fiefs du droit de séjour et d’établissement reconnu par le seigneur. Le seigneur féodal accorde protection à ses vassaux qui, à leur tour, doivent lui venir en aide contre les pillards, les voleurs et des groupes de guerriers.
Dès la fin du XVIIe siècle, des événements politiques modifient les structures communautaires. On assiste à la dissolution des seigneuries foncières et ces événements donnent naissance à un droit local qui s’est maintenu jusqu’à nos jours. De 1475 à 1536, les sept dizains supérieurs conquièrent le Bas-Valais, puis intervint la lutte des patriotes contre les juridictions temporelles du Haut Clergé. En 1634, l’évêque Hildebrand Jost renonce à ses droits souverains sur le Valais. Les Haut-Valaisans deviennent ainsi maîtres et seigneurs de toute la partie inférieure du pays et ceci jusqu’en 1798 où, sous la pression des événements politiques issus de la Révolution française, ils renoncent solennellement à leurs droits souverains. La mainmorte, les cens dus aux seigneurs, ne sont plus qu’un mauvais souvenir. Sur ce territoire d’Outre-Rhône, les communautés s’organisent dans le cadre des anciennes limites de juridiction, elles ont acquis leur indépendance et deviendront plus tard les communes politiques de Dorénaz et de Collonges. Les biens communs exploités sous les anciens régimes deviennent propriétés indivises de toute la communauté, et ceci jusqu’à la séparation des communes intervenue en 1841. Les populations sont unies par les liens spirituels d’une même et seule paroisse d’Outre-Rhône. Elles doivent se prêter mutuellement aide et assistance en cas de dangers communs, notamment les débordements du Rhône. Ces liens communs, nécessités par les circonstances, n’ont pas, hélas, été toujours empreints d’une cordialité réciproque.
Les communiers jouissent sur leur territoire d’un droit illimité de séjour et d’établissement, et ce droit passe dans la succession de leurs descendants, à l’exception des femmes qui le perdent en cas de mariage avec un non-communier. Jusqu’en 1818, les non-communiers sont considérés comme étrangers, on peut en tout temps leur refuser ou leur retirer le droit de séjour, toutefois on ne peut expulser les habitants perpétuels du lieu que pour des motifs très graves. Sont habitants perpétuels dans le sens de la loi de 1818, ceux qui sont établis avant 1806 dans la localité ; ceux établis après 1806 sont des habitants tolérés. Toute participation aux affaires de la communauté, tant des perpétuels que des tolérés, leur demeure interdite. C’est la Constitution cantonale de 1839 qui les reconnaît citoyens valaisans, mais ils demeurent néanmoins des apatrides (heimatlos). Avant la Constitution fédérale de 1848, on ne connaît que des communes bourgeoises. Le terme de bourgeois s’est substitué à celui de communier. Cette constitution interdit aux cantons de priver un bourgeois de son droit à la bourgeoisie et la loi de 1850 introduit des normes décisives pour réglementer le problème de l’indigénat.
La situation se modifie lorsque les moyens de communication se perfectionnent au cours du XIXe siècle. Le nombre des étrangers à la commune bourgeoise s’accroît, venant de toutes parts, Valais, Suisse allemande, etc.
La cohabitation, pour ainsi dire deux corporations sur un même territoire, n’était pas un élément de paix et d’entente. L’histoire locale fait état de discordes, de dissensions continuelles, d’où sources de procès où il était malaisé de déterminer le droit et la raison. Sous le régime français de 1810 à 1813, le préfet Derville ordonne la réunification sous une seule et même administration. Ce fut un mariage de raison mais l’amour n’y était pas et le divorce intervint à la chute de l’Empire de Napoléon. Le 19 juin 1819 le gouvernement provisoire du Valais décrète la séparation des deux communautés. Comme nous le verrons plus loin, la limite territoriale intervint en 1841. Dès lors, les deux communautés jouirent séparément des territoires qui leur avaient été dévolus.
C’est par la loi cantonale de 1851 sur le régime communal, loi qui nous régit encore aujourd’hui, qu’il appartint au Valais de tirer les conséquences des nouvelles idées. On accorde aux Valaisans domiciliés depuis deux ans, le droit de prendre part à l’administration communale. Dès ce moment, les ressortissants d’une commune comprennent à la fois les bourgeois du lieu et les habitants domiciliés qui vivent côte à côte. L’Etat, en cette matière, a édicté des prescriptions strictes en vue de protéger le patrimoine public. Les bourgeoisies ne peuvent jouir de leurs fonds que dans les limites fixées par les lois. La législation a prévu la cession d’une partie des avoirs bourgeoisiaux à la commune municipale et réglementé ensuite les contributions aux charges publiques. Nous assistons ainsi à l’immigration d’un certain nombre de familles. Ces familles, dont l’une ou l’autre sont ici depuis une centaine d’années, les Wicky, Steinmann, Mottiez, et d’autres depuis cinquante ans et plus, Monnet, Putallaz, etc. Ces familles ont pris une part active au développement de la collectivité locale, tant bourgeoisiale que communale. Travaux de construction, de réparations et d’entretien de bâtiments d’alpage et service de bergers dans ces alpages, plantations forestières, service de la forêt et autres, etc. Elles se sont si bien assimilées à la communauté que leurs contributions sont des plus bénéfiques. Aussi, la bourgeoisie s’est montrée compréhensive et généreuse à leur égard, en leur accordant tout comme aux bourgeois, les bois nécessaires à leurs constructions, les lots d’affouage, les droits d’alpage, le droit aux eaux jaillissant sur territoire bourgeoisial, etc.
Le patrimoine bourgeoisial est aujourd’hui de l’ordre de 1050 hectares sur les 1200 que compte le territoire communal. Cette surface se répartit comme suit : pâturages 209,5 ; forêts 335 ; eaux 2,3 ; terrains agricoles de plaine env. 20 ; rochers et surfaces incultes env. 486 hectares. La population de résidence compte aujourd’hui 350 habitants dont les 2/3 de bourgeois. Un nombre de bourgeois approximativement égal sont domiciliés hors de la commune.
Allons-nous vers une lente disparition des bourgeoisies comme d’aucuns le souhaitent? L’on n’en est heureusement pas encore là. La plupart des bourgeois et leurs familles demeurent attachés à ce patrimoine comme le lierre au rocher, car c’est le berceau de leur famille. Bien que ne retirant aucun avantage direct aux revenus de la bourgeoisie, il y a cependant une question de sentimentalité qui prime toutes autres considérations. Le citoyen y a toujours son pied à terre qui se transmet à ses descendants à travers le temps. Sa bourgeoisie établit son certificat d’origine qui lui permet de s’établir là où l’appelle son activité professionnelle. Des générations d’ancêtres ont construit ce patrimoine que personne ne peut lui contester. »
(extrait du livre COLLONGES à travers son histoire)